Nouveau denier de la gens Veturia

Une petite acquisition pour illustrer le serment traditionnel en vigueur dans la Rome antique.

Il s'agit d'un denier émis par Tiberius Veturius en 137 avant J.C. dont Crawford donne une estimation de 80 coins de droit & 100 coins de revers.


AVERS : Buste casqué et drapé de Mars à droite avec la marque de valeur (X) et derrière la tête « TI V(ET) » en monogramme (Tiberius Veturius). Il s’agit du premier denier sur lequel ne figure pas la tête de Rome.

REVERS : deux guerriers tenant chacun une lance de la main gauche et une épée de la main droite qui prêtent serment au-dessus d’un porc, tenu par un troisième personnage agenouillé au milieu (« sacerdos falicialis »). « ROMA » au-dessus.

Il s’agirait selon E. Babelon d’une scène représentant le serment d’amitié que se firent les romains et les campaniens en 334 avant J.C. lorsque T. Veturius Calvinus accorda le droit de cité aux campaniens. Le sacrifice d’un porc immolé selon les usages correspondait à l’époque au rituel permettant de sceller solennellement les serments de paix ou d’alliance.

Cette scène reprend à l’identique celle présente sur un statère d’or émis en 217/216 avant J.C. (RCV. 1 dont le revers est décrit comme figurant deux guerriers, un Romain et un Campanien prêtant serment sur un jeune porc que tient un pontife sur ses genoux).

De même, lors des guerres sociales, les italiotes confédérés ont repris le même type d’illustration.

La gens Veturia (Vetusia dans son orthographe primitive) d'origine plébéienne et patricienne est l'une des plus anciennes familles de souche Sabine qui compta un grand nombre de consuls et d’hommes politiques. Tiberius Veturius est le seul monétaire connu pour cette famille pour lequel, outre ce denier, il existe aussi un quadrans de bronze.

Très difficile à trouver centré et en bon état celui la !

Je veux juste éclaircir un point qui me semble intéressant et fondamental dans l'analyse du revers de ce denier pour être plus précis.

Ton interprétation de la scène du serment semble être la bonne pour le statère (quoi que...) mais plus délicate pour le denier de 137 av. J.-C. En effet, A.Alfoldi, R. Thomsen, M.H. Crawford puis H. Zehnacker ont proposé depuis (Craw; Foedus and sponsio, PBSR 1973) des explications de la scène différentes pour ce denier. Pour informations, je t'en donne les grands axes selon les différents numismates :

Il est clair à mes yeux que le revers marque une rupture décisive avec l'approche traditionnelle de la sélection des types d'iconographies.
Il est tout d'abord intéressant de bien analyser la scène : on voit 3 personnages; un jeune homme agenouillé qui tient un porc, de part et d'autre sont placés un guerrier barbu et un soldat romain, tous les deux armés d'une lance. Ils dirigent un poignard ou une épée courte sur l'animal à sacrifier et prêtent donc serment.

La première interprétation selon H.Babelon (celle que tu donnes) est la concession du droit de cité romaine aux Campaniens et à une partie des Samnites en 334 av. J.-C. sous le consulat de T. Veturius Calvinus et de Sp. Postumus Albinus. Ce qui me parait trop éloigné, même pour commémorer un ancêtre célèbre sur un denier de 137, alors que d'autres faits historiques plus marquants ont glorifier ultérieurement la gens de façon plus marquante.

La deuxième interprétation selon Th. Mommsen mais aussi celle retenue par M. Crawford : Il pense que la scène du serment doit être considérée comme se référant à une première version de l'histoire des fourches Caudines de 321 av. J.-C., dans laquelle l'accord défavorable avec les Samnites a été honoré et dont les responsables furent les même consuls Veturius et Postumus. Effectivement, en soutenant la ratification de la foedus Numantinum de l'année 137 av. J.-C., Tiberius Veturius fut étroitement associé à la négociation de Tiberius Sempronius Gracchus. D'ou l'emission du denier. J. Heurgon fait remarquer que dans la gens Veturia "la représentation d'une caesa porca ne pouvait rappeler que la paix caudine, en laquelle, beaucoup, à Rome, ne voulaient voir qu'une sponsio de nature privée, mais que les Veturii interprétaient comme un foedus officiel." J. Heurgon pense que l'attribution de la Civitas aux Campaneens est à exclure, en raison de la caesa porca qui eut été déplacée dans cette circonstance.

La troisième interprétation émise par H. Willers serait relative à la distribution des réserves d'or de l'état romain à 5 généraux en 209 av. J.-C. dont, L.Veturius, ancêtre du monétaire et préteur en Gaule. La scène se rapporterait à un épisode de la 2eme guerre punique, relaté par Tite Live (LIV.,XXVII, 9sq.) dans lequel 12 colonies latines d'Italie avaient opposé un refus aux exigences financières de Rome et 18 acceptèrent d'y participer. L'hypothèse encore défendu de nos jours, tombe pourtant à l'eau si on accepte la deuxième démonstration de Th. Momsen qui parait irréfutable car fondée sur des arguments historiques, numismatiques (209 est la date de l'émission d'or au type de Mars et de l'aigle) et littéraire (Pline, N. H. XXXIII., 47), les aurei au serment ont été émis non pas en 209 mais en 217 pour compléter le système des Quadrigatus. Dans la distribution du numéraire en 209, Veturius n'aurait joué qu'un rôle de second plan. Il parait aussi étrange que le guerrier barbu, à l'accoutrement barbare représente les Latins !

La quatrième interprétation de A. Alfoldi veut voir dans le revers non pas une scène historique mais mythique. Les deux protagonistes en présence seraient Enée et Latinus prétant un serment d'alliance et de concorde. Tite live rapporte qu'au printemps de 216 av. J.-C., les autorités militaires firent prêter serment aux soldats, tant alliés latins que romains, auprès de leurs tribuns. C'est cet évènement que représenterait le revers du statère mais sous une forme mythologique, par l'intermédiaire du serment qu'échangent Enée et Latinus. Il faut donc voir, non plus un soldat et un tribun mais deux héros. La silhouette vieillie de Latinus et l'allure jeune d' Enée qui occupe la plus grande place sur l'effigie monétaire apparait comme le bénéficiaire des promesses du destin.

Pour ma part, je privilégie donc la deuxième hypothèse de Th. Momsen pour le denier qui a les bases les plus solides. Quand à celui des guerres sociales, il fait référence à la concorde des différentes colonies fédérées.

Superbe iconographie ....!!!!

Et merci pour l'explication Iovi !

Bravo et merci à tous les deux

Dans le post 358, La légende de Latinus, de ma série MONNAIES DE LÉGENDES (EMBLÉMISTE), j'ai adopté pour la scène du revers la version d'Alfoldi, en base aux informations des fiches des monnaies auxquelles se réfèrent les liens y donnés.

Merci à tous pour vos commentaire et à IOVI pour les autres interprétations. Ce qui est très intéressant avec les deniers républicains c'est qu'il s'agit encore d'une matière vivante susceptible de modification suite aux différentes recherches, réfutations et interprétations.

Une précision exposée par Babelon qui me semble un argument recevable allant à l'encontre de la seconde hypothèse : il est très étonnant que la gens commémore un évènement aussi peut reluisant que celui des fourches caudines sachant que l'usage était de rappeler la grandeur des actes et réalisations des ancêtres ou les origines divines de la gens.

Le souvenir attaché aux fourches Caudines correspond plutôt à l'humiliation de l'arme romaine mais le débat est ouvert

Effectivement Numis, c'est la première réflexion que je me suis fait aussi.
Mais en relisant Th. Momsen, il invite à bien se remettre dans le contexte historique de l'époque de l'émission du denier (je parle évidement du sens propre à donner à l'utilisation de la scène du serment du denier de T.Veturius de 137, l'utilisation de la scène du serment de l'aureus me semble comme Emblémiste, tirée de la mythologie représentant Enée et Latinus). En effet, la scène est à projeter dans un passé très lointain dans la mémoire des citoyens de l'année 137. Il reste que l'évènement, après tant d'années met sur un pied d'égalité mais avec, tout de même une primauté de puissance pour le Romain, deux interlocuteurs (mythiques) de Rome et de ses alliés, concluant pour toujours, dans une forme religieuse et sous le regard des dieux, un traité d'alliance. Cette alliance symbolise en général l'union sacrée devant l'envahisseur punique (Hannibal pour le fait historique premier) et se voit réutilisé ici pour une autre foedus (de l'année 137) à laquelle Veturius eut un role important. C'est la défaite et l'encerclement du consul C. Hostilius Mancinius, enfermé dans un défilé devant Numance. Son questeur, Ti. Gracchus s’en remet entre les Numantins vainqueurs et Mancinus, et obtient une capitulation honorable, suivie d’un traité, la fameuse foedus Numantinum à laquelle je fais allusion plus haut. Veturius joua un rôle important dans la négociation du traité de Ti.Gracchus et farouche partisan pour ratifier l'alliance. Mais le Sénat romain refuse à la fin de ratifier le traité et ordonne de livrer le consul aux ennemis. Ce denier, veritable moyens de propagande politique comme tu le sais, plaide en faveur de la ratification, peut être pour influencer le sénat avant le vote et convaincre aussi la population d'acepter ce traité négocié par le monétaire.
Voila ce qui, à mons sens, fait pencher la balance pour l'interprétation de Th. Momsen. Mais comme tu dis, le débat reste ouvert à l'interprétation.

Très belle et intéressante monnaie. Merci à vous deux pour les explications.

Je dois dire que vos explications éclairées me laissent pantois d'admiration et me font souvent oublier la monnaie de départ; voilà ce que j'appelle un débat d'idées constructif et qui me donne envie de vous lire toujours plus souvent.
L'aureus est tiré de quelle vente?
Ton denier est vraiment superbe et je dois avouer qu'avant le tien je n'en avais jamais vu
Chapeau les gars et encore bravo à vous tous pour cette passion partagée
Je ne vois plus la république sous le même angle depuis que je fréquente ce forum et notamment vos commentaires triangulaires, numisfrance iovi et meu amigo brasileiro emblèmiste

Merci Caligula pour ton avis éclairé . J'espère que, comme toi, de nombreux numismates découvrirons l'intérêt des monnaies républicaines et que pourrons naître des vocations

Le stater a été vendu par Numismatica Ars Classica (Auction 33 du 06/04/2006) mais il s'agit d'un autre monde qui pour ma part n'est pas (encore ?) accessible

On ne parle pas de prix sur le Forum habituellement mais là ce n'est plus un prix c'est une folie (85 OOO CHF hors frais de vente ).

Merci pour ta réponse, la question portait sur le degré de rareté, corollaire inévitable de la côte mercantile effectivement; je ne connaissais absolument pas ce type ni en or ni en argent cqfd.
Encore toutes mes félicitations et en ce qui concerne les moyens, ne jamais dire ni même penser "fontaine je ne boirais pas de ton eau" car le meilleur cotoie toute vie.
Je veux dire par là que les occasions sont toujours multiples pour se faire plaisir et à tous prix, des plus fantaisistes aux plus fous.

Merci pour ce débat sur ce très chouette denier.

Décidément l'audience de notre forum est exceptionnelle.

J'ai la nette impression d'avoir été plagié par un ebayeur un peu paresseux :

http://cgi.ebay.fr/Republique-romaine-Denier-VETURIA-/200601942847?pt=FR_GW_monnaie_pi%C3%A8cesantiques&hash=item2eb4cebb3f

"REPUBLIQUE ROMAINE - GENS VETURIA (132 av - J.C)

AVERS : Buste casqué et drapé de Mars à droite avec la marque de valeur (X) et derrière la tête « TI V(ET) » en monogramme (Tiberius Veturius). Il s’agit du premier denier sur lequel ne figure pas la tête de Rome.

REVERS : deux guerriers tenant chacun une lance de la main gauche et une épée de la main droite qui prêtent serment au-dessus d’un porc, tenu par un troisième personnage agenouillé au milieu (« sacerdos falicialis »). « ROMA » au-dessus.
Réf; S.111.
Il s’agirait selon E. Babelon d’une scène représentant le serment d’amitié que se firent les romains et les campaniens en 334 avant J.C. lorsque T. Veturius Calvinus accorda le droit de cité aux campaniens. Le sacrifice d’un porc immolé selon les usages correspondait à l’époque au rituel permettant de sceller solennellement les serments de paix ou d’alliance.

Cette scène reprend à l’identique celle présente sur un statère d’or émis en 217/216 avant J.C. (RCV. 1 dont le revers est décris comme figurant deux guerriers, un Romain et un Campanien prêtant serment sur un jeune porc que tient un pontife sur ses genoux)."

On en a déjà parlé pour les Probus ou les monnaies Parthes mais vous avez raison c'est une sorte de consécration

Ca va devenir un objectif de chaque spécialiste du forum que d'être "Pompée" , à défaut d'être César ....!!!!

à toi en tout cas , une petite gloire ,même éphémère , c'est toujours plaisant ...!!!!!!

Je vais attraper la grosse tête
Il a même reco pillé les fotes d'ortograffe

On va ouvrir un club très fermé "Riches et Célèbres" et on se réunira tous les trimestres au Fouquet's